I.
L’avion
En cette belle fin d'après-midi du
6 août 2004 à l'aéroport
de Taipei,
les éclats des rayons du soleil se reflétant sur les hublots de l'avion où allait monter Nikos l'éblouissaient. Il avançait sur le tarmac à environ dix mètre de l'appareil,
marchant d'un pas pressant alors que les moteurs de l'avion dégageaient un bruit assourdissant.
Le jeune homme vêtu d’un T-shirt blanc et d’un short en blue-jeans accompagnés
de chaussures en toiles blanches se disait qu'il avait hâte d'être assis au
calme et à l'ombre, le soleil commençant à un peu trop
lui
chauffer la peau. Ce vol était en partance pour San Francisco,
là-bas il
devrait reprendre une correspondance pour
rejoindre San José au Costa Rica.
Il arriva enfin à l'échelle.
Ils
étaient nombreux
à monter dans l'avion à ce moment-là, mais il ne prêta
pas
attention aux autres, il grimpa rapidement les marches,
tendit son ticket à l'hôtesse
grande et blonde qui lui fit un large sourire, il n'y prêta aucune attention, elle lui indiqua sa place, le
laissant se presser d'y aller. Place 33J,
juste au niveau de l'aile droite, une place qui lui convint. Une vieille dame était assise là prêt du hublot
sur la place K,
la
place H était encore vide. Il se dit qu'il serait bien que personne n'ait pris la place.
Nikos était un garçon de seize ans, très mince, aux beaux cheveux blonds
cendrés légèrement ondulés,
aux
yeux bleus gris, il n'était guère très grand
pour son âge.
Il s'assit à sa place après avoir déposé son bagage à main dans le compartiment prévu à cet effet, il ne
voyait pas la vieille femme qui elle, le regardait s'installer. Une fois en place, il mit ses écouteurs dans
les
oreilles et alluma son IPod, la musique démarra et il ferma les yeux. Il ne se
soucia pas des autres
passagers qui s'installaient à leurs sièges.
Celui-ci n'était pas rempli entièrement,
il ne s’agissait pas d’une période de grande affluence
touristique, le voyage devait se dérouler dans le calme. Au bout de dix
minutes,
lorsque tous les passagers furent installés et après une annonce du pilote,
l'avion commença doucement à s'ébranler et
le
bruit des moteurs se
fit plus intense. Quelques instants plus tard, il effectua une marche arrière avant
de tourner sur la gauche, il roula ainsi lentement pendant quelques longues minutes avant d'arriver
sur la piste de décollage. L’appareil accéléra jusqu'à ce que les passagers se retrouvent plaqués à leur siège. La
pression de l'air devint plus
lourde au moment où l'avion s'éleva enfin au-dessus de la capitale
taïwanaise. Ils étaient partis.
Nikos toujours les yeux
clos,
repensa à ce beau séjour à Taïwan, ses parents l'y avaient envoyé rejoindre des amis partis s'installer là-bas avec leurs enfants, et le long voyage pour y arriver en valait le détour. Ces gens-là étaient riches, partis de Los
Angeles, ils s'étaient fait construire une villa en
bord de mer et
le séjour s'était résumé
à plage, baignade, exploration de l'île et quelques cours de
langue dispensés par un professeur particulier afin d'acclimater au plus
vite les enfants
à cette nouvelle vie, il sourit en y
repensant puis ouvrit un œil en espérant que personne ne l'ait remarqué. Il semblait que non.
Il avait tout de même hâte de retrouver ses parents, sa famille aussi venait de la cité des anges. Il avait une sœur Ludy
et deux frères Dam
et Seb - ses parents devaient fortement aimer les prénoms courts - tous plus jeunes que lui.
Sa
mère, Nathaly Oliver qui était
une grande biologiste renommée, avait eu une
proposition pour un poste à San José, elle en avait longuement parlé à son mari, Théodore Oliver, avec
qui elle avait fini par tomber d'accord pour aller s'installer sur place.
Il avait été conclu que les
enfants iraient dans
les meilleures
écoles du coin,
son
père chirurgien-dentiste propriétaire de son propre cabinet sur Los Angeles
spécialisé dans les soins des gens fortunées de la côte ouest, n'avait pas eu de mal
à ouvrir son second cabinet au Costa Rica, laissant le premier géré par sa plus efficace assistante, y
a pas à dire, ses parents gagnaient également très bien
leur vie.
Nikos était tout de même plus proche de sa mère que de
son père du fait de leur passion commune des sciences de la nature. Tous deux
appréciaient à visionner des reportages, aller à des conférences de toutes
sortes. A de multiples occasions, il avait même pu l’accompagner dans les
locaux de ses recherches et ainsi il avait réussi à rencontrer pas mal de
grands noms. Ce qui l’avait marqué avait été une rencontre fameuse avec le
grand paléontologue nord-américain Robert Bakker avec qui il eut un long échange,
l’homme appréciant sans doute les connaissances et la curiosité du jeune garçon
qu’il était encore à l’époque. Il n’avait que douze ans à l’époque.
Véritablement Nikos était capable de tout pour sa mère, répondant positivement
à ses moindres demandes et l’aidant dès que possible. Il en était sûr, sa mère
serait fier de lui le jour où lui-même serait devenu un grand paléontologue.
Finalement il espéra aussi qu’à son retour il aurait
droit à un grand repas de famille comme il les aimait, une partie de sa famille
ayant prévu, aux dernières nouvelles, de venir de Californie jusqu’au Costa
Rica afin Nikos et ses parents. Depuis leur déménagement, voir ses oncles,
tantes, cousins u grands parents était devenu exceptionnel.
Remisant toutes ses pensées dans un coin reculé de son
cerveau, le jeune homme se détenti, bailla un bon coup, puis finit par
s’endormir profondément, sa tête finissant même par retomber sur sa droite.
Un soubresaut se fit soudain sentir. Nikos se réveilla, la tête complètement embué,
sorti de son rêve et tout
à fait courbaturé à cause de l'inconfort du siège. Il se tourna vers le hublot, toujours sans regarder directement la vieille femme. L'avion était au milieu d'un énorme nuage, le plus noir qui puisse lui
avoir été
donné de voir, un énorme nuage d'orage. De temps
à autre des éclairs menaçants zébraient le ciel. Il vît les hôtesses
de l'air courir pour aller s’asseoir aux places qui leur étaient
destinées, il regarda sa montre, elle affichait vingt et une heure. Déjà quatre heures qu'ils étaient en l'air et le voyage était encore long. Les rideaux des compartiments étaient
tirés. Le pilote fit une annonce
afin de rassurer les passagers. Apparemment cet orage n'était pas prévu, qu'il allait tenter de le contourner au plus vite, qu'il ne fallait pas s'inquiéter
des
turbulences.
L'avion bascula alors sur la gauche afin d'effectuer un quart de tour, puis il se repositionna
à l'horizontale. Il
faisait toujours très noir
dehors, l'on n'y voyait rien, à part toujours ces grosses
éclaires, certains éclatant vraiment tout prêt de l'avion.
Les lumières baissèrent d'intensité, les
écrans
de télé
intégré aux sièges cessèrent de fonctionner alors
qu’un de ces arcs électriques se projeta non loin de la carlingue. Les passagers étaient éveillés, on
en voyait aucun
ne serait-ce qu'assoupi.
Le message du
pilote avait dû faire son effet.
Tout était toujours noir,
les éclaires
illuminaient toujours le ciel, les turbulences se faisaient bien sentir, mais tout cela semblait s'éloigner au
fur et à mesure de la progression
de l'appareil.
Il se passa ainsi quelques longues minutes, puis, les lumières revinrent,
les
télévisions
recommencèrent à projeter leurs films, il n'y avait plus de turbulences. Les passagers se détendirent, les
hôtesses se détachèrent de leurs sièges et continuèrent leur
va
et vient. D’ailleurs, l'on avait déjà servi à manger, trop
tard se dit Nikos.
Le pilote indiqua à tous que la zone de turbulence était loin derrière eux et qu'ils étaient enfin sortis de
l'orage. Pourtant tout restait noir dehors. Le garçon regarda son portable. Pratiquement plus de batterie,
« maudit téléphone » se dit-il, il devrait le recharger
une fois à San Francisco.
Tout était toujours noir dehors, mais ils semblaient en
effet hors de porter de la zone dangereuse, on ne voyait plus d'éclaire, on ne
ressentait plus de turbulence,
tout
avait l'air bien.
Nikos referma alors les yeux et retomba dans ses rêves, la musique toujours dans ses oreilles, il se voyait entouré des siens, dans une fête de famille, comme ils avaient l'habitude d'en faire lors des fêtes de fin d'année ou des anniversaires avant le départ au Costa Rica, il trouvait qu’ il avait de la
chance d'avoir une famille nombreuse
et aussi présente. Il voyait ses parents, frères, sœurs, oncles, tantes, cousins,
cousines,
enfin
toute une tribu, qui aimait se réunir, faire la fête, boire jusqu'au petit matin, les grandes tablées. Ça chantait, ça riait, ça dansait, ah il aimait bien penser à ça, il se sentait
apaisé, il voyait les visages de chacun
d'entre eux plein de joie, dans son rêve il voyait son père assis
à la table,
il
avait quelque chose à lui dire,
il
se pressa d'aller
à sa rencontre, le voyant lui faire signe
de venir. Il y en avait du monde en train de danser entre eux deux, il fallut les éviter, au risque de se
faire rentrer dedans. Arrivé à sa hauteur il vie le visage de son père s'illuminer, lui sourire, ses yeux brillaient, il allait ouvrir
la
bouche pour lui parler.
Le visage de son père se transforma soudain, devenant
celui d’un homme qu’il ne connaissait absolument pas, aux cheveux longs et
noirs de geais retombant sur ses épaules, le visage pâle, imberbe et pourtant
pas si jeune, ses yeux sombres et perçant le dévisageant, le scrutant, la peur
s’empara du jeune homme…
Tout fût secoué dans l'appareil suite à la puissance du choc. Il y eu un grand fracas, une lumière intense sur la droite de l'avion, un bruit assourdissant commençait à résonner, une sirène retentie, des lumières clignotaient, des gens criaient, les compartiments à bagage c'étaient ouverts, des sacs jonchaient le sol, des objets étaient projetés de partout, les masques à oxygène étaient tombés.
Nikos se sentait de plus en plus plaqué contre son
siège.
Il avait arraché les écouteurs de ses oreilles, tout était assourdissant, étourdissant autours de lui. Il se tourna vers la vieille dame, elle regardait le
hublot, sans bouger, ses mains tremblaient, elle était prise de panique.
L'aile droite de l'avion était
en
feu, le bruit assourdissant venait d'une des turbines qui
avait était touchée.
L’aéronef était en train de plonger
dans
le vide.
À ses côtés, sur les sièges du milieu se tenait deux
hommes typés asiatiques en costume,
tenant fébrilement leur attaché-case, juste derrière un couple, dont les deux conjoints devaient avoir la trentaine étaient serrés contre leur jeune fils
qui devait avoir aux alentours de douze ans. Le pauvre pleurait à grosse larme pendant
que ses parents tentaient de le rassurer, passant leur main dans ses cheveux, malgré les larmes qui coulaient sur
leurs joues. La vieille dame était toujours
crispée, elle ne réagissait plus, restait les yeux rivés sur le hublot d'où l'on pouvait voir les flammes à quelques mètres gagner du terrain sur l'aile. Elles étaient de plus en plus grosses, de plus en plus rouges, le bruit infernal de la turbine résonnait encore et toujours. Des gens criaient devant et derrière. Une des hôtesses tomba à la renverse juste à côté de Nikos, elle se cogna la tête contre le sol et ne réagit plus.
L'avion se mit alors à piquer du nez de plus belle.
Nikos était enfoncé dans son siège, il ne pouvait plus bouger.
On entendait le bruit de l'engin qui fonçait à
toute
allure vers le sol, ou tout du moins
l'océan, parce que normalement ils
devaient se trouver au beau milieu de l'océan pacifique. Il sentit
ses poumons se compresser
et perdit son souffle. Au-loin, il put voir le pilote et le copilote abandonner
leur poste tentant de se réfugier quelque part,
prit
d'une totale panique.
Tout espoir semblait perdu et les hurlements recouvrirent bientôt presque le
turbulent vacarme du gros turbo-jet qui ne tarderait pas à s’écraser sur l’eau.
Alors que ses yeux se fermaient progressivement pour laisser place à une sorte
de léthargie qu'il ne put
contrôler, Nikos trouva
étrangement la force de regarder une dernière fois en direction du hublot. Il y
vit l'océan se
rapprocher à grande vitesse. Dans la pénombre, il entrevit ce qui semblait être une île, mais ils ne pourraient
jamais l'atteindre,
ils en
étaient beaucoup
trop éloignés.
Soudain,
des
étincelles surgirent de toute part dans la carlingue. Dans un dernier effort pour garder les
yeux ouverts, Nikos crut voir l'avion se séparer en deux
dans
un gigantesque et interminable
grincement métallique. La partie avant sembla plonger rapidement.
Il put entendre les passagers hurler,
plongeant vers leur mort. Le jeune
homme sentit ensuite l'air lui fouetter le
visage,
l’empêchant de respirer. Face à lui,
il aperçut la terre se rapprocher. Tout était
flou. Il crut percevoir
comme une lumière doucement bleutée venir vers lui et commencer à entourer son corps entier dans un halo. Il ferma les yeux pour de bon.
Great ��
RépondreSupprimerMerci Jacky, c'est extrêmement gentil de ta part :)
SupprimerGreat ��
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